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basée sur une connaissance de la tête, des mains et des bras, acquise par l’expérience quotidienne, et en ce qui concerne les autres parties du corps sur l’impression d’ensemble qu’a laissée la vue de reproductions artistiques.

Le public en général, n’est donc pas compétent pour juger la beauté féminine ; d’une part il est trompé par des reproductions infidèles, et d’autre part le corset, la chaussure, tous les vêtements en somme contribuent à lui créer des illusions ; l’idéal qu’il conçoit n’est donc nullement en rapport avec la réalité.

L’art grec puisait directement ses thèmes dans la vie. Ni rigueur du climat, ni défauts physiques, n’obligeaient les habitants de la Grèce antique à cacher sous des vêtements leurs formes admirables ; et ceci réalisait la première des conditions essentielles qui sont imposées à l’artiste créateur, à savoir qu’il étudie chaque jour le nu sous les aspects les plus divers.

L’artiste grec était ainsi capable de se former de la beauté une image idéale, et il disposait pour la réaliser d’un choix considérable des plus beaux modèles.

Mais le public lui aussi, c’est-à-dire toute l’humanité d’alors, voyait chaque jour le nu et le connaissait ; il se montrait donc bien plus exigeant à l’égard des œuvres d’art et il savait aussi mieux les apprécier que ne le fait notre public actuel auquel manque totalement la connaissance du corps humain.

Sur les ruines de l’Art classique s’éleva l’édifice de la Renaissance ; les vestiges de la grandeur passée furent une révélation pour cette nouvelle époque de floraison artistique. Mais pas une seule de ses œuvres n’a, nous ne dirons pas dépassé, mais même atteint la beauté classique, car la source à laquelle les Anciens puisaient, était tarie pour leurs successeurs : la vue journalière sous des formes multiples et l’éducation artistique de l’œil qui en était la conséquence.

Ce sont justement les plus grands maîtres des époques suivantes qui eurent le plus nettement conscience de ce désavantage ; ils cherchèrent à le compenser en suppléant à l’imitation naïve des belles formes par l’étude de l’anatomie.

D’ailleurs si ces connaissances nouvelles ont eu l’avantage de permettre aux grands artistes d’éviter dans leurs œuvres certains défauts de leurs modèles, elles présentaient aussi le danger d’inciter ceux qui les possédaient à corriger trop souvent la nature sans qu’elle eût rien à