Page:O'Followell - Le corset, 1908.djvu/285

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peut donc que ternir, altérer et dédorer votre beauté ; le corset droit vous rend malade, il ne peut donc que vous rendre laide ; si vous restez encore belle malgré lui, je vous réponds que vous seriez encore plus belle sans lui et que vous le seriez bien plus longtemps.

Je pourrais m’arrêter là ; mais je veux poursuivre plus avant ma critique sur l’esthétique du corset droit.

1o S’il est instrument de gêne, une sorte d’étouffoir de la santé et de la vie, le corset droit n’en est pas moins un instrument de mensonge. Il ment à la nature, car trop souvent il masque, déforme et enlaidit les beautés naturelles de la femme.

Plus on s’écarte de l’habit de nature, plus on pèche contre le goût. En d’autres termes, « l’art doit s’inspirer de ce qu’il voit et il est d’autant plus parfait qu’il reproduit mieux la réalité ». Ce qui revient à dire, avec Platon, que le beau est la splendeur du vrai.

Or, nous savons que la ligne vraie chez la femme est la ligne courbe. C’est ; elle qui domine et caractérise l’anatomie plastique de la femme. C’est cette ligne qui lui donne la grâce, le charme, ce je ne sais quoi de moelleux et de caressant qui subjugue, enveloppe et attire. C’est que la ligne courbe est la ligne de beauté.

C’est donc cette ligne que l’art du vêtement doit conserver, copier, mouler et faire valoir extérieurement. Par l’idée de rectitude et de redressement que son nom implique, le corset droit est donc inesthétique. Il l’est aussi de fait puisqu’il aplanit, enfonce même, la douce convexité naturelle de l’abdomen.

2o En second lieu, pour être réellement belles, les courbes de l’argile idéale, ne doivent pas être immobilisées, figées, inertes et rigides comme marbre, mais souples, animées, ondoyantes. C’est cette impression qu’ont voulu rendre les nombreux peintres qui ont représenté Vénus sortant de l’onde, les formes de la femme doivent conserver toute la flexibilité, toute la liberté d’allures, dont la nature les a douées. Tout mouvement doit leur être possible, et ce pouvoir latent doit se laisser deviner même au repos. Les formes de la femme doivent révéler extérieurement la force qui les anime, qui palpite sous elles, c’est-à-dire la vie et son frissonnement, ce qui manque à certaines statues pour être parfaites.

Or, sous la gêne du corset droit, le corps de la femme acquiert de la rigidité. Il se cabre tout entier, il se raidit, se contracture devant cet obstacle qui mutile et broie ses