Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/104

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esprit religieux a en quelque sorte tout pétrifié, de même que, dans le Tyrol autrichien, où, à chaque tournant de route, à chaque carrefour, partout, se dressent des images de sainteté qui pourraient servir à l’administration vicinale de bornes kilométriques, de même, en Belgique, la superstition religieuse est souveraine maîtresse des âmes, des paysages et des lois. Je ne parle pas seulement des couvents qui y pullulent, comme, en Allemagne, les casernes ; je ne parle pas de ces béguinages, qui ne sont d’ailleurs plus que des souvenirs, gardés seulement par Gand et par Bruges, pour les badauds du pittoresque et les moutons de Panurge du tourisme. Je parle de tout ce pays, sur qui le catholicisme étend son ombre épaisse et malsaine. Dans les chemins, dans les sentes et dans les villes, on rencontre, par milliers, de ces figures de foi têtue, de ces figures de prières, agressives et sombres, telles qu’elles sont peintes dans les triptyques des primitifs flamands. Les siècles ont passé sur elles, les progrès et la science ont passé sur elles, sans en adoucir les angles durs et obtus.

Je me souviens qu’il y a plusieurs années, pris d’un malaise subit dans une auberge de village, je demandai qu’on allât me chercher un médecin, à la ville voisine, qui était Gand.

— Ah ! Seigneur Jésus, s’écria la bonne, en me voyant très pâle… Il va peut-être mourir… Dites une prière, bien vite, monsieur… Dites une prière… Et attendez-moi…

Elle sortit précipitamment, sans m’apporter d’autres secours.

Quelques minutes après, je vis entrer, introduit dans ma chambre par la petite bonne, un gros prêtre, essoufflé d’avoir trop couru… Il voulut, à toute force m’administrer l’extrême-onction. Et comme je refusais de me munir