Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/134

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en dépit des années, le Roi a toujours une belle allure… de la sveltesse… de la grâce… Enfin, il est très bien… Mais à ses petits yeux bridés, effrayants quand on les regarde de près, à un certain pli de la bouche, je sais lorsqu’il est en veine de méchanceté… Il y était…

— Eh bien, madame, dit-il, en abordant la comtesse… vous amusez-vous, aujourd’hui ?…

— Oui, Sire, beaucoup… répondit-elle, en faisant une profonde révérence.

— Pas tant qu’hier… pas tant qu’hier, n’est-ce pas ?

Mon amie s’embarrassa, balbutia :

— Comment, Sire ?…

— On m’a dit, appuya le Roi… on m’a dit que vous aviez beaucoup dansé, hier… au Cercle de la Noblesse… beaucoup dansé… Avec qui avez-vous donc tellement dansé ?

Ma pauvre amie rougit :

— Mais, Sire, bégaya-t-elle… je… je… ne sais plus…

— Ah !… Bien… bien…

Et, se retournant vers moi, brusquement, il me dit :

— Et, vous, madame ?… Est-il indiscret aussi de vous demander avec qui vous avez dansé ?

Le Roi attendit ma réponse… Comme je me taisais, il salua, et, riant d’un petit rire méchant qui nous couvrit de confusion, s’éloigna lentement.

La dame semblait outrée, en racontant cette anecdote. Elle finit sur cette conclusion d’une énergie un peu rude :

— Tout ce que vous voudrez… C’est un mufle !…

Alors, un haut fonctionnaire belge protesta doucement :

— On le calomnie beaucoup… Nous avons une tendance fâcheuse à exiger des rois qu’ils soient au-dessus, ou en dehors de l’humanité… Mais non… Ils sont des