Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/149

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trois quarts d’heure pour atteindre Anvers… Et pourtant je m’irrite que le moteur ne tourne pas assez fort et que de la campagne flamande, qui, de sa fertilité plate, nourrit un peuple industrieux, les arbres, les maisons basses, les verdures noires, les petits villages coloriés et réguliers, ne passent pas assez rapidement, au gré de mon désir, impatient d’un port…

Près de Malines, ô joie ! des équipes d’ouvriers travaillent à enlever les pavés… Nous allons dorénavant, je suppose, rouler sur la soie élastique d’un macadam tout neuf… Et, voilà que, brusquement, une violente secousse nous a jetés les uns contre les autres. La voiture s’est enfoncée, jusqu’aux moyeux, dans un bourbier. Elle rage, gronde et fume, impuissante… Une conduite d’eau, crevée, a, en cet endroit, amolli, affaissé le sol, et transformé la route en un lac de boue gluante et profonde… Il nous faut l’aide, un peu humiliante, de deux chevaux, tirant à plein collier, pour arracher la voiture de cette fondrière…

Et les pavés reprennent leurs ondulations suppliciantes…

Ah ! ces routes !… ces routes !

Heureusement que la bonne C.-G.-V. est résistante à miracle, et si bien assemblée, que pas un boulon ne manque, après ce raid audacieux… pas un n’est desserré… Furieuse d’avoir dû demander du secours au cheval, on ne peut pas la maîtriser. Il y a des moments où elle ne tient plus au sol… Elle vole, vole dans l’air comme un ballon… Nous serons au port, dans quelques minutes… à moins que nous ne soyons, gisant sur la route, broyés et le ventre ouvert !…