Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/154

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

effet d’un prisonnier, à qui il n’est permis de se promener que dans le chemin de ronde de la prison.

Trop gauche pour plier ses grossiers assemblages, ses articulations raidies, à la jolie courbe des virages, trop lourde, trop vite essoufflée pour escalader les pentes, elle s’enfonce, pour un rien, dans les tunnels, comme un rat peureux dans les ténèbres de son terrier.

Elle n’est pas si vieille pourtant, et ce n’est déjà plus rien. De même que tant de formes régressives, qui ne correspondent plus aux besoins de l’homme nouveau, elle doit fatalement disparaître… Mais dans combien de siècles ?

Soyons justes envers elle. Elle eut son heure de gloire, et, quand on va de Zurich à Innsbrück, traîné par elle, à travers les hardis défilés de l’Arlberg, sa gloire dure encore. Il est vrai que la plus grande part en revient aux ingénieurs audacieux qui surent tailler, pour elle, dans la roche, au flanc des gorges, des chemins là où jadis n’osaient pas s’aventurer les chamois et les pâtres…



L’homme ne s’est vraiment surpassé que quand il a construit des machines qu’il a pu douer de la vertu de se mouvoir librement, à l’heure de son besoin, à la minute même de son caprice.

Telle, l’auto.

Les ballons que je connais mal, presque aussi mal que M. Santos-Dumont, mais beaucoup mieux que M. Lebaudy, font encore trop songer aux bêtes disproportionnées, où la nature bégayait ses essais d’expression. Ces monstres d’avant l’histoire, dont nous avons encore une survivance, de plus en plus déchue, parmi