Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/208

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Nous étions au commencement du printemps. À peine si ces arbustes avaient des feuilles… M. Theuriet était donc très intrigué devant ces arbustes… Il dit :

— C’est curieux… Je ne connais pas ça…

Il prit une branche, dans sa main, l’inclina, en examina longuement l’écorce, les bourgeons prêts à éclater… J’admirais sa grâce de botaniste…

— Tiens ! tiens !… fit-il encore…

Puis, après un nouvel et plus scrupuleux examen, pour lequel il eut recours à un lorgnon qu’il posa, avec des gestes méthodiques, sur son nez… il dit :

— Voilà qui est fort !… Ah ! par exemple… Figurez-vous, mon cher… Non, en vérité, je ne connais pas ces arbustes-là… C’est bien étrange.

Il lâcha la branche, qui alla rejoindre les autres, et il reprit :

— Je ne les connais pas… Ça doit être une nouveauté… une importation… récente… Je ne serais pas étonné que cette importation nous vînt de… de… Ah ! c’est curieux… c’est extraordinaire… c’est à ne pas croire !

Et se retournant vers moi :

— Pas besoin de vous demander, à vous ? Une importation… comment sauriez-vous ?

J’étais ahuri…

— Mais, monsieur Theuriet… m’écriai-je… ce sont…

Je m’arrêtai… car j’avais honte de faire honte à l’Amant de la nature.

— Naturellement… ricana M. Theuriet… Ce sont… ce sont… Vous ne savez pas…

Je m’armai de courage, et criai :

— Mais, monsieur Theuriet, ce sont des lilas… des lilas, monsieur Theuriet… des lilas !