Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/211

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Bréda – dont le nom évoque assez comiquement et à la fois, une excellente race de pondeuses, une race aussi, sinon de cocottes, du moins de lorettes, Gavarni et Guys, Stevens et Grévin, les Lances de Velasquez, les chansons de Nadaud, une certaine qualité d’esprit, de gaîté second Empire, « Ah ! c’était le temps où… » et Villemessant et Dinochau et Carjat – Bréda est une ville tout à fait quelconque et tellement insignifiante qu’il m’affole de penser qu’elle ne soit pas belge… Je ne la mentionnerais pas si, dans sa cathédrale, l’emphase tout italienne d’un sculpteur bolonais ne s’était avisée de faire, au-dessus d’un tombeau, porter les armoiries de je ne sais quel petit prince de Nassau, tout simplement par Régulus, Jules César, Annibal et Philippe de Macédoine.

Au sortir des musées et des cathédrales belges, j’étais un peu las, non seulement de la grandiloquence italienne qui s’y boursoufle, mais même de la magnificence flamande, parfois écrasante, et je ne demandais qu’à me reposer parmi les nuances et la discrétion hollandaises. J’aspirais à ce repos comme on attend un bain, vers la fin d’un voyage qui dure. Il me fallait surtout me purifier de toutes sortes de blagues, de toutes sortes d’excès, avant que de pouvoir me plonger dans le délice de Vermeer et la splendeur de Rembrandt. C’est dans cette disposition d’esprit que cet Italien flagorneur – les guides ont beau dire que ce n’est pas Michel-Ange – m’a agacé, choqué… J’aurais dû en rire…

Mais je pardonne à Bréda, en raison d’un détail de son histoire qui m’émeut et qu’elle ignore.

Bréda est la ville où naquit Vincent van Gogh. Il l’habita quelque temps, en sa première jeunesse. On rêve pour ceux qu’on admire et qui marquèrent leur trace,