Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/213

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il n’y avait pas longtemps de cela… Et, m’animant devant ces mines étonnées, j’expliquai qu’il était célèbre en France, en Allemagne… même en Hollande… qu’il y avait des tableaux de lui au musée de Rotterdam… Et j’insistais :

— Voyons !… Au musée de Rotterdam… ah !

— C’est bien possible, me répondit-on… Van Gogh ?… Non, ça ne nous dit rien. Il y a tant de peintres et tant de musées, en Hollande !

Je m’efforçai de leur rappeler son visage tragique, son front obstiné, ses yeux ivres de penser et de regarder, sa courte barbe blonde.

— Des barbes blondes… ça n’est pas ce qui manque ici…

Je m’acharnai sottement :

— Enfin… souvenez-vous… Il était bon avec les enfants… il leur parlait…

Mais ils ne m’écoutaient plus… Ils s’éloignèrent de moi, en me regardant avec méfiance.

Pauvre Vincent !… Il n’eût pas été humilié de l’ignorance de ses compatriotes… Il ne chercha pas la gloire… il chercha quelque chose de plus impossible : l’absolu. Et il en est mort…

J’appris, à Rotterdam, qu’un parent très proche de van Gogh vivait à Bréda, entouré de la plus belle collection qui soit, de ses œuvres. Seulement, il ne porte pas le nom de van Gogh.

Voilà pourquoi « van Gogh », « ça ne leur disait rien ».


J’ai une autre impression.

Deux semaines après, je sortais du musée de La Haye où j’avais passé presque toute la journée. J’étais ivre de Vermeer, ivre surtout de Rembrandt… La tête me