Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/238

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sur les marches si raides de l’escalier ; aux fenêtres, les mêmes rideaux ; dans la salle à manger, qui sert, en même temps, d’office, de caisse, de salon, et de restaurant, les mêmes meubles… Suivi de l’hôtelier qui nous retenait – le même hôtelier aussi, je crois bien – je courus jusqu’à la terrasse… La nuit était complète, sans la fissure d’une lumière, et les eaux silencieuses… De toutes petites vagues venaient clapoter, chuchoter au bord… C’est à peine si je parvins à distinguer des feux qui se mouvaient dans le lointain… De gros nuages cachaient la lune, et faisaient le fleuve tout noir, confondu avec le noir de la terre… Pas le moindre violon… Aucune valse, même de Faust, pour m’attendrir… Tout était donc bien mort !…

Revenu dans la salle à manger, j’étonnai le maître d’hôtel, en criant d’une voix forte :

— Des soles… des soles, comme autrefois !…

Il n’y avait même plus de soles…

Mes compagnons, dont j’avais excité l’appétit par des descriptions enthousiastes, insistèrent vainement près du patron…

Il n’y avait plus de soles… il n’y avait plus rien…

Force fut de se contenter de saumon fumé et de sardines de conserves…

Mais quelles sardines !… Elles nous parurent extraordinairement exquises… Pimentées, condimentées, nous n’en avions jamais mangé de pareilles. Les soles furent oubliées… L’un de nous s’extasia :

— Il n’y a que la Hollande pour préparer de tels poissons… Vive la Hollande !

Et, appelant le maître d’hôtel :

— Où fabrique-t-on, ces admirables, ces merveilleuses, ces uniques sardines ?… demanda-t-il… J’en veux commander des caisses, des wagons, des bateaux ! Je