Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/241

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une cathédrale d’autrefois… Seulement, elle est tout à fait nue… Les stalles sont, pourtant, toujours là que les gouges des artisans ingénieux du seizième siècle ont fouillées dévotement. La grille de cuivre qui enveloppe le chœur, la rampe qui grimpe à la chaire, semblent encore faites de rayons divins, voire de rayons de soleil, mais de rayons qui auraient fleuri.

Ces cuivres et ces arabesques m’en évoquent d’autres ; des rampes, des balustres, des lustres, des volutes et tous ces enroulements, et tous ces déroulements qui courent, à présent, dans le monde entier, sous le nom de modern-style, nom anglais d’une manie où les Belges ne sont parvenus qu’en partant de ces cuivres hollandais, en les torturant et les déformant affreusement…

Mais où sont, dans les bars et les hôtels palaces, aux devantures des parfumeries, des charcuteries, des crémeries et des confiseries, dans les demeures des financiers allemands, des poètes viennois, des esthètes des Flandres et des cocottes de Lyon, cuivres rouges et cuivres d’or, où sont la bonhomie souriante, la courbe harmonieuse, l’honnêteté solide et réjouie des charmants cuivres hollandais ?

Et me revoici dans la rue où la pluie a balayé les derniers passants. Des groupes de ménagères, de servantes se sont réfugiés sous le marché. En mantes noires, en coiffes désamidonnées, hottues, bossues et caquetantes, elles se pressent l’une contre l’autre, comme des poules sous l’auvent de la basse-cour mouillée. Toutes les maisons, où s’avivent les plaies anciennes, pleurent ; tous les ponts, aux arches de guingois, qui s’étagent dans la perspective, pleurent aussi ; tout pleure. L’eau des canaux, sous les gouttes de l’averse qui s’acharne, semble dégager des bulles de gaz, comme