Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/256

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Je me fie, sans restriction, à l’intelligence de mon ami Weil-Sée… Je le suivais admirablement, et j’étais convaincu, au point de prêter serment, qu’il ne disait rien qui ne fût vrai ou qui n’importât… Mais, quand je ne l’entends plus, je suis incapable d’expliquer ce qu’il m’a dit, et en quoi consistent ses projets et son métier…

— Vous sentez bien, n’est-ce pas ? Ce n’est plus que quelques mois de patience… pfuut !… quelques mois…

Sur quoi, ayant écarté des piles de catalogues – personne ne lit autant de catalogues – de livres, de denrées, de graines, de plantes, d’instruments, de machines, il prit du papier quadrillé, et se mit à dessiner, pour achever de me convaincre, des diagrammes et des graphiques…

Dans son visage malmené, couturé, je cherchais quelque chose, mais quoi ?… quelque chose qui restât des traits de l’enfant que j’avais vu arriver au collège, du fond de la Dalmatie… quelque chose de son nez aquilin, de l’expression de ses yeux tellement doux, de l’arc ingénu de sa lèvre et même de ses boucles autour d’un front énorme et bombé… Mais tout cela était si fané, si raccorni ! Je me rappelais comme son intelligence, tout de suite, avait fait merveille, parmi nous… Il s’était révélé aussitôt élève prodige… Nos professeurs lui prédisaient le plus bel avenir… Et voilà où il en était, son avenir !…

— Vous comprenez ?… entendais-je, durant ces rappels de souvenirs… ce qui serait important, encore, c’est de pouvoir s’enfoncer dans la terre, un peu… je ne crois pas qu’on ait été au delà de quelque deux mille mètres… Et dessous… dessous… réfléchissez !…

Il s’arrêta.

— Dessous… ce sont évidemment… il ne se peut pas que