Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/26

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détester, aujourd’hui, ce que j’aimais hier, et d’aimer, le lendemain, ce que, la veille, j’ai le plus violemment détesté. Loin de m’en plaindre, je m’en réjouis, car c’est cela qui donne à la vie son intérêt innombrable… « Il y a quelque chose que je préfère à la beauté, c’est le changement », écrit Ernest Renan, à moins que ce ne soit M. Maurice Barrès.

Enfin, je tâcherai de suivre, en toutes choses, le conseil de ce Boileau, si sottement calomnié, et qui veut qu’un beau désordre soit un effet de l’art.

Comme il doit être content, aujourd’hui, ce Boileau !



La vitesse.


Il faut bien le dire — et ce n’est pas la moindre de ses curiosités — l’automobilisme est une maladie, une maladie mentale. Et cette maladie s’appelle d’un nom très joli : la vitesse. Avez-vous remarqué comme les maladies ont presque toujours des noms charmants ? La scarlatine, l’angine, la rougeole, le béri-béri, l’adénite, etc. Avez-vous remarqué aussi que, plus les noms sont charmants, plus méchantes sont les maladies ?… Je m’extasie à répéter que la nôtre se nomme : la vitesse… Non pas la vitesse mécanique qui emporte la machine sur les routes, à travers pays et pays, mais la vitesse, en quelque sorte névropathique, qui emporte l’homme à travers toutes ses actions et ses distractions… Il ne peut plus tenir en place, trépidant, les nerfs tendus comme des ressorts, impatient de repartir dès qu’il est arrivé quelque part, en mal d’être ailleurs, sans cesse ailleurs, plus loin qu’ailleurs… Son cerveau est une piste sans fin où pensées,