Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/296

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— Battez-le chez vous, dans la cour de votre ferme.

— Ça nous encombre… Et puis nous sommes chez nous ici… D’où qu’vous êtes, vous ?

Un autre, les bras passés entre les dents de sa fourche, ricana :

— Il n’est p’tête seulement pas du département…

Un troisième dit :

— Allons… passe-nous la gerbe…

Et ils se remirent au travail… Avaient-ils lu Barrès ?

J’avisai un vieil homme que, à sa barbiche militaire et à la plaque qu’il portait au bras, je reconnus pour être le garde champêtre… Il avait écouté ce dialogue, sans rien dire, en hochant un peu la tête… Je le sommai de faire son devoir.

— Bien sûr… bien sûr !… fit-il… J’vas vous dire, mon cher monsieur… Ces gens-là ont raison… Faut bien qu’ils battent leur blé, ces gens-là… ha !… ha !… ha ! L’blé, c’est la nourriture du pauv’monde…

Il ne voulut pas entendre nos protestations.

— Tenez, mon cher monsieur… Redescendez jusqu’au pays… Prenez à droite… et puis encore à droite… au coin d’un petit café… Rémongeat, qu’on l’appelle…, le café Rémongeat… oui… Et puis vous suivrez tout droit… À deux kilomètres, p’tête trois… vous verrez un lavoir, sus vot’gauche… Prenez à droite du lavoir… Et puis toujours tout droit, jusqu’à la route… L’chemin n’est point trop bon… il n’est point trop mauvais, non plus… Il est comme ça… quoi !…

Il nous fallut bien en passer par là…

— Toujours sus vot’droite !… répéta le garde champêtre, pendant que nous faisions marche arrière… Y a pas à s’tromper…

Le chemin était affreux, hérissé de culs de bouteilles, encombré de cailloux coupants… J’y laissai deux pneus.