Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/353

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— Il n’y a qu’en France, d’où nous arrivent relativement peu de touristes, lesquels sont pour la plupart des Belges, des Anglais, des Américains, qu’on ignore ces choses-là… Il est parfaitement exact que, chez nous, on n’embête pas les touristes par des règlements prohibitifs. On m’assure pourtant qu’il en est de terribles… Mais on se garde bien de les appliquer. La circulation est absolument libre, mieux encore, elle est protégée… On a l’ordre d’être extrêmement aimable, et cet ordre, venant de haut, est toujours et partout obéi. Je sais aussi – il m’en a quelquefois parlé – que l’Empereur rêve de doter l’Allemagne entière de routes pareilles à celles du Rhin, de faire, en quelque sorte, de l’Allemagne, la plus belle piste automobile du monde… Oh ! sous ce rapport, il a d’autres idées que M. Loubet. Votre excellent M. Loubet en est venu à trouver que même le cheval est un véhicule de progrès bien trop hardi, bien trop moderne ; il préfère s’en tenir désormais aux mules des chansons castillanes. L’âge aidant, nous le verrons peut-être dans une petite voiture à âne. Son attitude agressive envers l’automobilisme est celle d’un petit bourgeois borné, peureux, misonéiste. Guillaume, lui, a parfaitement compris qu’il y a là une industrie énorme, dont les bénéfices sont incalculables, qu’il se doit, comme chef de l’État, de l’encourager, de la protéger et, s’il le peut, de l’accaparer, pour le bien de son pays. Cela n’est pas douteux. Mais il y a autre chose. Malgré nos assurances ouvrières qui sont, je crois bien, les plus libérales du monde – et ce n’est pas beaucoup dire, – malgré notre transformation économique, nous sommes restés, par bien des côtés, un pays féodal, un pays de castes. La noblesse y tient toujours le haut du pavé, et aussi la richesse, qui est une sorte de noblesse aussi puissante et plus active que l’autre. Il n’y a pas que