Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/377

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le redoute, voilà tout… et c’est ce qui fait qu’on le tolère encore. Il fatigue, il énerve, il décourage, il surmène, il embête… eh bien, oui, voilà… il embête tout le monde, depuis le premier ministre, obligé à ne pratiquer jamais que la politique du mensonge, – et la mauvaise foi finit par dégoûter même un premier ministre, – jusqu’au dernier des soldats, qui sent son fusil, son sac lui peser plus lourdement aux épaules, et qui commence à s’en plaindre… L’Europe aussi, où il se voit de plus en plus isolé, en a assez, je vous assure. Et non seulement l’Europe, mais le monde entier, que Guillaume obsède, décidément, comme un cauchemar. Nous sommes, nous, un peuple de braves gens, très travailleurs, très pacifiques ; du moins, nous le sommes redevenus. On se dégrise. Par exemple, nous avons pris au sérieux notre prospérité, et, comme le progrès ne nous fait pas peur, nous avons doté notre pays d’un outillage industriel incomparable. Pour la maintenir, cette prospérité, pour l’augmenter progressivement, nous entendons être tranquilles chez nous. Or, nous ne vivons que dans la crainte des complications imbéciles et permanentes que peut susciter, tous les jours, à toutes les heures, un homme brouillon, sans cesse agité, et qui n’est pas maître de ses nerfs… C’est intolérable… Ce que l’on reproche, ce que la nouvelle génération reproche surtout à l’Empereur, c’est d’être une fausse étiquette, trop voyante, collée, mal à propos, sur la bonne vieille bouteille allemande. Il ne lui ressemble plus ; elle ne lui ressemble plus. On commence à rire, à présent, des prétentions de la Gründerzeit, de l’art éclaboussant, mégalomaniaque, qui vient d’elle et qui pèse sur nous. Une génération arrive aux affaires, sur qui Nietzsche aura eu autrement d’influence que Wagner, une génération d’hommes plus subtils, amis de