Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/401

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et orgueil des salons, ne craignirent pas d’insulter, grossièrement, deux dames…



Souvenirs et rêveries dans Cologne.


De Cologne, je ne dirai rien, sinon que, pour y arriver, le voyage fut extrêmement pénible. Partout, on réparait, on raccordait, on élargissait les routes. Ce n’étaient que tas de terre et tas de pierres, ornières et fondrières. Trois fois — humiliation ! — je dus recourir à la collaboration du cheval, pour sauver la 628-E8, embourbée. L’entrée des villages, des bourgs, des petites villes était presque constamment barrée. On nous obligeait à les contourner par des chemins, à peine tracés dans des terrains humides, glaiseux, défoncés, où c’est un miracle que la voiture ne soit pas restée. Dans les parties refaites, le service de la vicinalité, — imagination satanique ! — avait disposé de gros pavés carrés, de place en place et de telle manière que, pour les éviter et pour éviter le « panache » mortel, nous devions exécuter de dangereux exercices, que je ne puis mieux comparer qu’à la danse des poignards ou des œufs. Devant tous ces obstacles, Brossette retrouvait son nationalisme, encore plus sectaire et bavard. Il ne cessait de maugréer entre ses dents serrées : « Sale pays ! » et tout ce que cette exclamation appelait de commentaires imprécatoires.

Le fait est que sa place au volant n’était pas une sinécure. Le malheureux avait les poignets rompus, et suait à grosses gouttes. Mais il trouvait tant et de si légitimes occasions d’injurier l’Allemagne que sa haine n’en perdait pas une seule, et qu’il y retrempait son courage et son adresse.