Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/470

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
414
LA 628-E8

lui pèse de plus en plus. Elle a besoin d’action, d’expansion, grisée par la promesse de cette royauté féminine que Balzac agite, sans cesse, devant elle… Et son miroir lui dit, chaque jour, qu’elle vieillit un peu plus, que sa beauté ici se flétrit, là qu’elle s’alourdit dans la graisse. Il n’est que temps… Si intelligente qu’elle soit, Paris, du fond de ses terres lointaines, lui apparaît, comme à ces petits ambitieux de province, la ville unique, la ville féerique, où l’on peut puiser de tout, à pleines mains : plaisirs, triomphes, domination. Car c’était le temps romantique, où tous les désirs gravissaient la butte Montmartre, et, en voyant la ville étendue au-dessous d’eux, s’écriaient : « Et maintenant, Paris, à nous deux ! »

Pour hâter ce moment de la délivrance et de la conquête, elle aide Balzac, de sa bourse. Mais que peut cette aide qui vient, comme toutes les autres, tomber vainement dans un gouffre sans fond ?

Il semble pourtant, sans qu’on en démêle bien la cause profonde, qu’il y ait eu souvent, et de tout temps, même au temps des premiers bonheurs, comme des arrêts subits à la poussée de ses élans, et que des hésitations, sinon des peurs, traversent parfois, d’un vol inquiet, les si beaux rêves de la vie promise.


Un peu avant février 1848, Balzac, trompant ses créanciers, a pu mettre une somme importante à l’abri de leurs revendications, toujours en vue de son mariage. Cette somme, sur les conseils du baron de Rothschild, il l’a convertie en actions du chemin de fer du Nord. Mais la fatalité le poursuit. Survient la Révolution, qui emporte tout. Les valeurs de Bourse sont tombées à rien. Il est ruiné. Ce fut un moment terrible et qui faillit l’abattre. Mais, ramassant les débris de