Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/61

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qu’on va respirer, on étouffe plus encore. Avant de retrouver la vie balsamique de la terre, la splendeur de la forêt, le tumulte de la Meuse, au long des ardoisières de Fumay, il nous faut traverser un large plateau, sorte de zone funéraire, où le sol est pierreux, lugubrement stérile. Là, ne poussent que des herbes sèches et décolorées, de maigres bouleaux qui ne dépassent pas la taille d’un arbuste nain, et çà et là, des ajoncs qui n’ont pas une fleur… Ensuite, c’est une joie à pousser des hosannas, c’est comme une résurrection, lorsque nous rejoignons, par les lacets des Ardennes, la rivière mouvementée, et que nous entendons la sirène des remorqueurs qui entraînent les longs trains de bateaux… Et tout reverdit, tout miroite, tout sent bon, tout travaille, le sol fleuri, les arbres bourgeonnés, les eaux, les coteaux, les maisons, les hommes, le ciel ; tout est féerique jusqu’à Givet.



Une ville forte.


Quelle folle terreur ont donc su nous inspirer les Belges, que Givet soit une telle forteresse ?

La ville disparaît presque sous l’accumulation des défenses militaires… Forts tapis au haut des pics, terrasses armées, enceintes bastionnées, casemates blindées, fossés remplis d’eau, pont-levis, mâchicoulis, échauguettes, demi-lunes, chemins de ronde, tout ce qu’inventa, pour la sécurité des frontières, la science ancienne et moderne de la fortification, Givet en est pourvu… Par les poternes et les chemins couverts, on s’attend à voir, tout d’un coup, débusquer des hommes d’armes, bardés de fer… Ah ! les Belges doivent être fiers d’être Belges, en regardant Givet… Ils savent ainsi