Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/94

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— Ah ! la pauvre Louise !

— Comme ça… si vite ?… qu’est-ce qu’il y a eu donc ?

— Une tumeur à la matrice… Auriez-vous cru ça, à la voir ?…

Hoockenbeck avait parfois des remords.

— Si elle nous voyait !… disait-il timidement.

À quoi le capitaine répliquait :

— Allons donc ! Louise était une excellente femme… Elle aimait à s’amuser, sans en avoir l’air. Comme elle serait contente, d’être au milieu de nous !

— Elle était si brave… leitmotivait, d’une voix de plus en plus pâteuse, le malheureux veuf…

Il arriva, à la fin, qu’ayant épuisé tous les cafés et tous les bouges, nous échouâmes dans un restaurant de nuit… Il était bruyant… Des femmes dégrafées, des jeunes gens ivres, chantaient, dansaient aux sons de la musique des laoutars roumains.

— Du champagne ! du champagne ! commanda Hoockenbeck qui, entré dans la salle, sa cravate dénouée, et son chapeau de travers, prit la taille d’une petite brune… Mais je crois bien que ce fut seulement pour assurer son équilibre… En suite de quoi, il alla rouler sur une banquette…

À six heures du matin, – j’ai honte de l’avouer, mais il faut bien l’avouer, – je me réveillai dans un fiacre, à la porte de mon hôtel. Le veuf ronflait à mes côtés. Je sortis sans bruit, et donnai l’adresse d’Hoockenbeck au cocher. Je ne m’aperçus que plus tard que je m’étais trompé : c’était l’adresse d’un mauvais lieu.

Brave Hoockenbeck ! Il y est peut-être encore…