Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/140

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Des ronces, des rochers, des sables, des déserts.
Ici de ses poisons elle infecte les airs ;
Là rugit le lion, ou rampe la couleuvre.
De ce dieu si puissant voilà donc le chef-d’œuvre.
Et tu crois, ô mortel, qu’à ton moindre soupçon,
Aux pieds du tribunal qu’érige ta raison,
Ton maître obéissant doit venir te répondre ?
Accusateur aveugle, un mot va te confondre.
Tu n’aperçois encor que le coin du tableau :
Le reste t’est caché sous un épais rideau ;
Et tu prétends déjà juger de tout l’ouvrage.
A tes besoins, ingrat, je vois une main sage
Qui ramène ces maux dont tu te plains toujours.
Notre art des poisons même emprunte du secours.
Mais pourquoi ces rochers, ces vents et ces orages ?
Daigne apprendre de moi leurs secrets avantages,
Et ne consulte plus tes yeux souvent trompeurs.
La mer dont le soleil attire les vapeurs,
Par ces eaux qu’elle perd voit une mer nouvelle
Se former, s’élever, et s’étendre sur elle.
De nuages légers cet amas précieux,
Que dispersent au loin les vents officieux,
Tantôt féconde pluie arrose nos campagnes,
Tantôt retombe en neige, et blanchit nos montagnes.
Sur ces rocs sourcilleux, de frimas couronnés,
Réservoirs des trésors qui nous sont destinés,
Les flots de l’océan apportés goutte à goutte
Réunissent leur force et s’ouvrent une route.
Jusqu’au fond de leur sein lentement répandus,
Dans leurs veines errants, à leurs pieds descendus,