Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/152

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Est-ce dans mes pareils que je dois te chercher ?
Ils m’échappent ; la mort me les vient arracher,
Et frappés avant moi, le tombeau les dévore :
J’irai bientôt les joindre : où vont-ils ? Je l’ignore.
Est-il vrai ? N’est-ce point une agréable erreur
Qui de la mort en moi vient adoucir l’horreur ?
Ô mort, est-il donc vrai que nos âmes heureuses
N’ont rien à redouter de tes fureurs affreuses ?
Et qu’au moment cruel qui nous ravit le jour,
Tes victimes ne font que changer de séjour ?
Quoi ! Même après l’instant où tes ailes funèbres
M’auront enseveli dans tes noires ténèbres,
Je vivrais ! Doux espoir ! Que j’aime à m’y livrer !
De quelle ambition tu te vas enivrer,
Dit l’impie ? Est-ce à toi, vaine et faible étincelle ;
Vapeur vile, d’attendre une gloire immortelle ?
Le hasard nous forma ; le hasard nous détruit ;
Et nous disparaissons comme l’ombre qui fuit.
Malheureux, attendez la fin de vos souffrances :
Et vous, ambitieux, bornez vos espérances :
La mort vient tout finir, et tout meurt avec nous.
Pourquoi, lâches humains, pourquoi la craignez-vous ?
Qu’est-ce donc qu’un cercueil offre de si terrible ?
Une froide poussière, une cendre insensible.
Là nous ne trouvons plus ni plaisir ni douleur.
Un repos éternel est-il donc un malheur ?
Plongeons-nous sans effroi dans ce muet abîme,
Où la vertu périt aussi bien que le crime :
Et suivant du plaisir l’aimable mouvement,
Laissons-nous au tombeau conduire mollement.