Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/164

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Ou plongés presque tous dans de frivoles soins,
Leur plus grand intérêt les occupe le moins.
Montaigne m’entretient de sa douce indolence :
Sait-il de quel côté doit pencher la balance ?
Ce n’est pas vers le but que Bayle veut marcher,
C’est l’obstacle qu’il aime, il ne veut que chercher.
Pour toi, coupable auteur d’un ténébreux système,
Qui de tout réuni, formes l’Etre suprême,
Et qui m’éblouissant par tes pompeux discours,
Anéantis ce Dieu dont tu parles toujours ;
Caché dans ton nuage, impénétrable asile,
A l’abri de mes coups, tu peux rester tranquille,
Qu’à sonder l’épaisseur de ton obscurité
Tes hardis sectateurs mettent leur vanité,
Et jaloux d’un honneur où je n’ose prétendre,
Se disputent entre eux la gloire de t’entendre.
Le déiste du moins me parle sans détours :
Content de sa raison qu’il me vante toujours,
Elle seule est son guide ; il marche à sa lumière.
Ouvre les yeux, ingrat, connais la toute entière.
Cette même raison m’éclaire comme toi :
Tu la verras bientôt me conduire à la foi.
Au jour dont j’ai besoin elle-même m’appelle,
Et m’apprend à chercher un guide meilleur qu’elle.
D’une religion je lui dois le désir :
C’est avec elle encor que je vais la choisir.