Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/172

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Des animaux alors on chercha le secours ;
Leur chair soutint nos corps réduits à peu de jours.
Les poètes, dont l’art par une audace étrange
Sait du faux et du vrai faire un confus mélange,
De leurs récits menteurs prirent pour fondements
Les fidèles récits de tant d’événements :
Et pour mieux amuser les oisives oreilles,
Cherchèrent dans ces faits, leurs premières merveilles.
De là ces temps fameux qu’ils regrettent encor,
Doux empire de Rhée, âge pur, siècle d’or,
Où, sans qu’il fût besoin de lois ni de supplice,
L’amour de la vertu fit régner la justice.
Siècle d’or, sous ce nom puisqu’ils l’ont célébré,
Ce siècle plus heureux, où l’or fut ignoré.
Sobre dans ses désirs, l’homme pour nourriture
se contentait des fruits offerts par la nature.
La mort tardive alors n’approchait qu’à pas lents.
Mais las de dépouiller les chênes de leurs glands,
Il essaya le fer sur l’animal timide.
La flèche dans les airs chercha l’oiseau rapide :
L’innocente brebis tomba sous sa fureur ;
Et ce sang au carnage accoutumant son cœur,
Le fer devint bientôt l’instrument de sa perte :
Et de crimes enfin la terre était couverte,
Lorsqu’un déluge affreux en fut le châtiment.
Tout nous rappelle encor ce grand événement.
Fable, histoire, physique, ont un même langage.
Au livre des hébreux ainsi tout rend hommage,
Et même l’on dirait que pour s’accréditer
La fable en sa naissance ait voulu l’imiter.