Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/175

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Chamos qui de Moab engloutit les victimes,
De ses adorateurs n’exige que des crimes.
Que de gémissements et de lugubres cris !
Ô filles de Sidon, vous pleurez Adonis :
Une dent sacrilège en a flétri les charmes ;
Et sa mort tous les ans renouvelle vos larmes.
Et toi, savante Grèce, à ces folles douleurs,
Nous te verrons bientôt mêler aussi tes pleurs.
La foule de ces dieux qu’en Égypte on adore
Ne te suffira point : à de nouveaux encore
De l’immortalité tu feras le présent :
Ton Atlas gémira sous un ciel trop pesant.
Nymphes, faunes, sylvains, divinités fécondes,
Peupleront les forêts, les montagnes, les ondes.
Chaque arbre aura la sienne, et les romains un jour
De ces maîtres vaincus esclaves à leur tour,
Prodigueront sans fin la majesté suprême.
Empereurs, favoris, Antinoüs lui-même
Par arrêt du sénat entreront dans les cieux,
Et les hommes seront plus rares que les dieux.
Terre, quelle est ta gloire, et quel temps de lumière
Quand la divinité se rend si familière !
Courons, l’argent en main, entourer ses autels :
Elle est prête à répondre au moindre des mortels.
Dans Delphes, dans Delos elle fait sa demeure :
Aux sables de l’Afrique elle parle à toute heure :
A Dodone sans peine on peut l’entretenir,
Et d’un chêne prophète apprendre l’avenir.
Pourquoi le demander, s’il est inexplicable ?
Que sert de le savoir, s’il est inévitable ?