Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/179

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Le grand prêtre éperdu dans la fange se roule :
Tout périt, l’autel tombe, et le temple s’écroule.
C’est ce même captif qui voit tous à leurs rangs,
Pareils à des éclairs, passer les conquérants.
Il voit naître et mourir leurs superbes empires.
Babylone, c’est toi qui sous le perse expires.
Alexandre punit tes vainqueurs florissants.
Rome punit la Grèce, et venge les persans.
Elle renversera toute grandeur suprême ;
Et le marteau fatal sera brisé lui-même.
Ô Rome, tes débris seront les fondements
D’un empire vainqueur des hommes et des temps !
Mais ce n’est point assez qu’annonçant ces miracles,
Des prophètes nombreux répètent leurs oracles.
Tout rempli du dessein qu’il doit exécuter,
Dieu par des coups d’essai semble le méditer.
A nos yeux à toute heure il en montre une image,
Et dans ces premiers traits crayonne son ouvrage.
Que les plus tendres mains conduisent au bûcher
Ce fils obéissant qui s’y laisse attacher,
Paisible sacrifice, où le prêtre tranquille
Va frapper sans pâlir sa victime immobile ;
Que l’enfant le plus cher, en esclave vendu,
Et du sein de l’opprobre à la gloire rendu,
Aimé, craint, adoré des villes étrangères,
Soit enfin reconnu par ses perfides frères ;
Pour le sang d’un agneau, que rempli de respect
L’ange exterminateur s’écarte à son aspect ;
Que de tant de maisons au glaive condamnées
Celles que teint ce sang soient seules épargnées ;