Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/190

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Vous qui buvez les eaux du Tage, et de l’Ibère ;
Vous que dans vos forêts le jour à peine éclaire.
Et vous que séparant du reste des humains,
Les mers avaient sauvé des fureurs des romains ;
Lieux où ne put voler leur aigle ambitieuse,
Je vois dans vos climats la foi victorieuse.
Au grand nom qui du monde a couru les deux bouts,
De l’Inde à la Tamise on fléchit les genoux.
La croix a tout conquis, et l’église s’écrie,
Comment à tant d’enfants ai-je donné la vie !

Sur les rives du Tibre éclate sa splendeur :
Là de son règne saint s’élève la grandeur,
Et dans Rome est fondé son trône inébranlable,
A tout ambitieux trône peu désirable.
Sur ses degrés sanglants je ne vois que des morts
C’était pour en tomber qu’on y montait alors.
Dans ces temps où la foi conduisait aux supplices,
D’un troupeau condamné glorieuses prémices,
Les pasteurs ne briguaient qu’un supplice plus grand.
Tel fut chez les chrétiens l’honneur du premier rang.
Quel spectacle en effet à mes yeux se présente !
Quels tourments inconnus, que la fureur invente !
De bitumes couverts, ils servent de flambeaux :
Déchirés lentement ils tombent en lambeaux :
Dans ces barbares jeux, théâtre du carnage,
Des tigres, des lions on irrite la rage.
Que de feux ! Que de croix ! Que d’échafauds dressés !
Combien de bourreaux las, de glaives émoussés !
Injuste contre eux seuls, le plus juste des princes,
Par ce sang odieux contente ses provinces.