Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/210

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De l’Islande à Java, du Mexique au Japon,
Du hideux Hottentot jusqu’au transi Lapon,
Nos prêtres de leur zèle ont allumé les flammes ;
Ils ont couru partout pour conquérir des âmes ;
Des esclaves partout ont chéri leurs vainqueurs :
Que leur fable est heureuse à soumettre les cœurs !
Si des rives du Gange aux rives de la Seine,
Entraînés par l’ardeur qui vers eux nous entraîne,
D’éloquents talapoins, munis d’un long sermon,
Accouraient nous prêcher leur sommonokodon,
Ou que, prédicateurs au bon sens moins contraires,
L’alcoran dans leurs mains, des derviches austères,
De par le grand prophète en termes foudroyants
Vinssent nous proposer d’être de vrais croyants ;
Quelle moisson de cœurs feraient de tels apôtres ?
Leurs peuples cependant ont tous reçu les nôtres.
Un Dieu né dans le sein de la virginité,
Un Dieu pauvre, souffrant, mort, et ressuscité,
Ne commande par eux que pleurs, et pénitence.
Est-ce de leurs discours la brillante éloquence,
Qui peut à sa pagode arracher un chinois ?
Quel champ pour l’orateur que la crèche et la croix ?
Le Dieu qui l’a prédit opère ce miracle.
Tout peuple, toute terre entendra son oracle.
Sa loi sainte sera publiée en tous lieux :
Je me soumets sans peine à ce joug glorieux.
Quoique captive enfin la raison qui m’éclaire
N’y voit point de lumière à la sienne contraire.
Mais son flambeau s’unit au flambeau de la foi,
Et toutes deux ne font qu’une clarté pour moi.