Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/222

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La grandeur, ô mon Dieu, n’est pas ce qui m’enchante,
Et jamais des trésors la soif ne me tourmente.
Ma seule ambition est d’être tout à toi.
Mon plaisir, ma grandeur, ma richesse est ta loi.
Je ne soupire point après la renommée.
Qu’inconnue aux mortels, en toi seul renfermée,
Ma gloire n’ait jamais que tes yeux pour témoins,
C’est en toi que je trouve un repos dans mes soins.
Tu me tiens lieu du jour dans cette nuit profonde.
Au milieu d’un désert tu me rends tout le monde.
Les hommes vainement m’offriraient tous leurs biens :
Les hommes ne pourraient me séparer des tiens.
Que ta croix dans mes mains soit à ma dernière heure,
Et que les yeux sur toi je t’embrasse et je meure.
C’est dans ces vifs transports que s’exprime l’amour.
Hélas ! Ce feu divin s’éteint de jour en jour :
A peine il jette encor de languissantes flammes.
L’amour meurt dans les cœurs, et la foi dans les âmes.
Qu’êtes-vous devenus, beaux siècles, jours naissants,
Temps heureux de l’église, ô jours si florissants ?
Et vous, premiers chrétiens, ô mortels admirables,
Sommes-nous aujourd’hui vos enfants véritables ?
Vous n’aviez qu’un trésor et qu’un cœur entre vous ;
Et sous la même loi nous nous haïssons tous.
Haine affreuse, ou plutôt impitoyable rage,
Quand par elle aveuglés, nous croyons rendre hommage