Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/23

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Préface

Je puis à la tête de cet ouvrage avouer mes craintes, sans être soupçonné de cette fausse modestie si commune aux auteurs qui, dans leurs préfaces, affectent un langage plein de timidité, lorsqu'ils sont intérieurement pleins de confiance. Pour moi, je n'ai aucun sujet d'en avoir : je vais parler d'un mystère qui révolte l'amour-propre, et qui sera toujours l'écueil de notre raison. Je vais traiter une question sur laquelle on suit différens systèmes ; et comme chacun soutient avec chaleur le parti qu'il a embrassé, je dois m'attendre à déplaire, malgré mes intentions , à ceux qui ont des sentimens contraires aux miens. Enfin j'écris en vers ; et ceux qui, sans faire attention au théologien, ne regarderont en moi que le poète, examineront mes vers avec d'autant plus de sévérité, que mon nom seul semble annoncer que je ne mérite point d'indulgence.

Ce nom, loin qu'il prévienne en ma faveur, ne sert qu'à fournir des armes contre moi. La gloire des pères est lin pesant fardeau pour les enfans, et l'on n'en a presque point vu soutenir ce fardeau dignement. Ce n'est point à moi à citer les passages d'Homère et d'Euripide qui l'assurent, et je citerai encore moins un proverbe très-commun chez les Grecs et les Latins. Il est vrai que ce proverbe semble confirmé par l'histoire. Rarement a-t-on vu ceux qui se sont rendus illustres, soit par les armes, soit par les lettres, laisser des successeurs dignes d'eux. Les fils des grands hommes ont presque tous dégénéré, peut-être