Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/27

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l'accord de deux opérations inconnues ? Lorsque dans la géométrie deux propositions qui semblent se contredire, sont également démontrées, nous ne doutons ni de l'une ni de l'autre. Lors donc que dans la religion deux vérités également certaines semblent se contredire, devons-nous pour cela hésiter ? Si notre raison n'a pas assez de lumière pour les accorder, qu'elle ait assez d'humilité pour les adorer toutes deux. « Il faut, dit Bossuet, tenir fortement les deux bouts de la chaîne, quoiqu'on ne voie pas toujours le milieu par où l'enchaînement se continue. »

Puisque nous avons tant de peine à concilier la puissance divine et la liberté humaine, nous ne devons pas nous étonner d'entendre, sur cette question, parler les Païens d'une façon souvent contraire. Homère qui répète si souvent que rien n'arrive que par la volonté divine, fait dire à Achille : « Les Dieux donnent la victoire, mais c'est à vous à modérer votre fierté et votre colère. ». (Iliad. 10.) Achille est donc le maître de son cœur : et le même Homère dit dans l'Odyssée, liv. 23, « qu'il dépend des Dieux de rendre insensée la personne la plus sage, et de rendre sage la personne la plus insensée. » Horace demande aux Dieux de bonnes mœurs pour la jeunesse :

Di probos mores docili juventœ.

et le même Horace prétend qu'il ne doit demander aux Dieux que les biens de la santé et de la fortune, que ceux de l'âme sont en sa disposition ;

Det vitam, det opes ; animum mi œquum ipse parabo.

Les Païens ont été souvent jusqu'à faire les Dieux auteurs