Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/57

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Affectant d’élever la Grace et sa puissance,
Il voulut nous ravir la libre obéissance ;
Prétendit que contraint par les suprêmes loix,
L’homme marche toujours sans volonté, sans choix,
Vil esclave, chargé de chaînes invisibles.
Préchant après Luther ces maximes horribles,
Calvin mit tout en feu : le fidelle trembla,
Et sur ses fondemens l’église s’ébranla.
Pour rassurer alors la vérité troublée,
La sage et sainte église à trente rassemblée,
Sans que jamais l’erreur y pût mêler son fiel,
Reçut, et nous rendit les réponses du ciel.
Défendons, en suivant ses dogmes respectables,
De notre liberté les droits inaltérables.
Notre cœur n’est qu’amour : il ne cherche, il ne fuit,
Qu’emporté par l’amour dont la loi le conduit.
Le plaisir est son maître : il suit sa douce pente,
Soit que le mal l’entraîne, ou que le bien l’enchante.
Il ne change de fin, que lorsqu’un autre objet
Efface le premier par un plus doux attrait.
La Grace qui l’arrache aux voluptés funestes
Lui donne l’avant-goût des voluptés célestes,
Le fait courir au bien qu’en elle il apperçoit,
Voir ce qu’il doit chérir, et chérir ce qu’il voit.
C’est par-là que la Grace exerce son empire :
Elle-même est amour, par amour elle attire ;
Commandement toujours avec joie accepté,
Ordre du souverain qui rend la liberté ;
Charme qui sans effort brise tout autre charme,
Vainqueur qui plaît encore au vaincu qu’il désarme.