Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/80

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Souvent il est fatal de vivre trop long-tems.
Osius sur la terre avoit brillé cent ans,
Fleau des ariens en détours si fertiles,
Le pere des pasteurs, le maître des conciles.
La mort à ses travaux alloit rendre le prix,
Lorsque las d'un exil où sa foi l'avoit mis,
Il ranime une main par vingt lustres glacée,
Pour signer de Sirmich la formule insensée.
A tout craindre de nous sa chûte nous instruit.
Redoublons notre course, et prévenant la nuit,
Hâtons-nous de joüir du jour qui nous éclaire.
Mais que sert de courir, répond un téméraire,
Qui m'oppose un discours tant de fois répeté ?
Dans le ciel, me dit-il, mon sort est arrêté :
Pourquoi venez-vous donc, discoureur inutile,
M'animer aux travaux d'une course stérile ?
Au livre des élus si mon nom est gravé,
Tout crime par la Grace en moi sera lavé.
Si le ciel en couroux me destine à la peine,
Pour chercher la vertu ma diligence est vaine.
C'en est fait, je veux vivre au gré de mes desirs :
J'attendrai mon arrêt dans le sein des plaisirs.
Détestable pensée ! L'affreuse conséquence !
Ainsi vous vous jugez vous-même par avance.
Dans le trouble où vous jette un douteux avenir,
Ignorant votre arrêt vous l'osez prévenir.
La porte du bonheur en vain vous est ouverte,
Vous-même vous voulez assurer votre perte.
Le suivez-vous en tout, ce vain raisonnement ?
Sans doute Dieu connoît votre dernier moment,