Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/83

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Les épics épargnés par la main qui moissonne,
Ces restes que le maître aux glaneurs abandonne,
Et les grappes que laisse un vendangeur soigneux,
Images des élus, sont aussi rares qu'eux.
Nous ne voyons en Dieu que justice et colere :
Est-ce ainsi qu'il nous aime ? Est-ce ainsi qu'il est pere ?
Nous tremblons... c'est assez, unissons notre foi.
Je tremble comme vous, esperez comme moi.
Il est pere, il est Dieu : je crains le Dieu terrible ;
Mais je chéris le pere à mes malheurs sensible.
Sans peine devant lui soumettant mon esprit,
Je crois ce qu'il révéle, et fais ce qu'il prescrit.
Je laisse murmurer ma raison orgueilleuse ;
Je sais que sa lumiere est souvent périlleuse ;
Je me livre à la foi, je marche à sa clarté :
Celui qu'elle conduit n'est jamais écarté.
Je ne puis de la Grace atteindre le mystere ;
Mais Dieu parle, il suffit, c'est à l'homme à se taire.
Lorsque voulant sonder ses terribles decrets,
Nous portons jusqu'au ciel nos regards indiscrets ;
Quand nous osons percer le voile respectable
Dont se couvre à nos yeux ce Dieu si redoutable,
Sa gloire nous opprime : ébloüis, aveuglés,
Du poids de sa grandeur nous sommes accablés.
Ah ! Respectons celui qui veut être invisible,
Et craignons d'irriter sa majesté terrible.
Mais la sainte frayeur que l'homme en doit avoir,
C'est de toi seul, grand Dieu, qu'il la peut recevoir :
Apprens-nous à t'aimer, apprens-nous à te craindre.
De tes desseins cachés est-ce à nous de nous plaindre ?