Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome II, trad Defauconpret, 1831.djvu/140

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bile à manier l’épée ? Le récit des exploits du moine Midleton et du brave sir Ralph excita toujours la plus franche gaieté. Allons, si tu peux nous chanter cette fameuse ballade, tu trouveras dans ce château un gîte et un souper.

X.

Matilde sourit — J’espérais peu, dit-elle, du goût d’Harpool pour les chants des ménestrels ; mais oserons-nous lui dire, ô Redmond, de bien accueillir celui-ci !

— Ah ! sans doute, répondit Redmond. Dès mon enfance, le son de la harpe a fait tressaillir mon cœur ! et je ne puis entendre ses plus simples accords sans qu’ils me rappellent le songe de mes premiers plaisirs dans la terre d’Erin, alors qu’Owen Lysagh était le Filea 1 d’O’Neale, vieillard aveugle, dont les blancs cheveux étaient respectés comme ceux d’un prophète. Assis à ses pieds, j’ai vu souvent un cercle de guerriers farouches, ravis par ses chants mélodieux et l’écoutant jusqu’au soir, éprouver tour à tour la fureur, la joie, la tendresse, la douleur, l’extase et toutes les passions, par la magie toute-puissante du barde inspiré.

O Clandeboy ! le chêne de la forêt de Slieve-Donard ne me prêtera plus l’ombrage de ses antiques rameaux ; je n’entendrai plus la harpe d’Owen célébrer les amours de nos bergères et la gloire de nos héros. Les ronces sauvages ont fait disparaître ce foyer, asile cher à l’hospitalité. A peine si quelques ruines éparses dans la clairière désignent le lieu où s’élevait le château de mes aïeux. Leurs vassaux errent sur des bords lointains, et combattent sous les bannières de l’étranger… Les fils de nos persécuteurs ont hérité des bois ravissans de Clandeboy !

Il dit, et détourne la tête pour cacher, dans sa fierté, une larme qui est venue mouiller sa paupière.

XI.

Matilde, attendrie, pleure en écoutant la noble expression de ses regrets ; elle place sa main sur le bras

(1) Filea, nom donné aux troubadours en titre d’Irlande. — Én.

CHANT CINQUIÈME. 135