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DE WATERLOO. 385

s’égarant jadis dans les sentiers de l’ambition, entreprit avec les gladiateurs de conquérir l’empire. Ah ! si du moins il affronta les périls auxquels l’exposait son audace téméraire, il n’abandonna pas les victimes qu’il avait entraînées à leur ruine ; il creusa sa tombe sanglante avec sa propre épée, et fut enseveli sur le champ de bataille, théâtre de sa défaite, abhorré, mais non méprisé.

XIV.

Mais si une pensée moins généreuse te fait préférer la vie, quelque prix qu’elle doive te coûter, tourne bride ; quoique vingt mille Français soient morts dans cette journée fatale, se sacrifiant à ta gloire, que tu n’hésites pas à déserter lâchement pour prolonger tes jours. Les âges futurs croiront-ils ton histoire pleine d’inconséquences ? Es-tu l’homme du pont de Lodi, de Marengo et de Wagram ! ou ton âme est-elle comme le torrent des montagnes, qui, enflé par les pluies d’hiver, roule ses flots redoutés ; mais qui, privé de ces secours, dégénère en un obscur ruisseau, dont le cours ignoré n’offre plus que les vestiges de ses anciens ravages ?

XV.

Fuis ! puisque tu as pu entendre sans émotion tes vétérans s’écrier, en te voyant prendre la fuite : — Ah ! s’il avait seulement su mourir ! — Fuis, puisque tu as pu voir leurs yeux verser des larmes de rage et de honte.

Mais cepetsdant, regarde encore, une fois avant de quitter la colline fatale ; regarde tes guerriers en désordre, sur lesquels la lune jette une sinistre clarté, comme celle qu’elle fait luire sur les flots troublés, quand les fleuves franchissent leurs rives, et qu’elle découvre à demi, aux yeux du laboureur ruiné, les débris que le courant entraîne. Telle est la confusion des bannières, des batteries et des armes partout où la déroute poursuit ces guerriers qui, au lever de l’aurore, défiaient tout un monde.

XVI.

Écoute.. Ces cris de vengeançe t’annoncent que la lance

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386 LE CHAMP DE BATAI