Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome II, trad Defauconpret, 1831.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

CHANT CINQUIÈME. 39

gueil et sa terreur : — C’est vainement que tu reprocherais au loup le carnage des troupeaux, et aux rochers leur cœur endurci... Je leur ressemble. Le sang que m’ont transmis mes pères circule dans mes veines en torrent de feu : dis-moi si dans le séjour des Gholes 1 et des fantômes on a oublié la renommée d’Eric, et celle de Witikind, surnommé le dévastateur, dont les vaisseaux n’abordaient jamais un rivage que pour y porter l’incendie et la mort. Witikind était mon père... Fils d’un tel guerrier, puis-je ne pas être aussi cruel que lui !... Fuis donc, et cesse de m’adresser de vains reproches : je suis le fils de Witikind.

X.

Le fantôme gémit,... la montagne fut ébranlée, le faon et le daim timides tressaillirent à ce triste son ; le genêt et la fougère furent agités par une ondulation soudaine comme si un orage s’était élevé. — Tu as dit vrai, ajouta le fantôme ; mais cesse de répéter que ce père coupable signala par le sang toutes les traces de ses pas depuis le berceau jusqu’à la tombe. Il livra aux flammes les temples et les cités, et parcourut la terre comme le tison ardent de l’ange des ruines... Mais enfin il connut le remords. Peut-être même son exemple, si bien imité par sa postérité, fait-il partie de son châtiment... Mais toi, lorsque tu entendras gronder l’orage de ta colère, prépare-toi à te dompter toi-même ; réveille-toi, ô mon fils ; si tu ne résistes pas à la voix de la haine, la porte du repentir te sera fermée à jamais.

XI.

— Il s’est évanoui, dit Harold qui ne voit plus que l’ombre du chêne ; il a disparu, le fantôme ! sa présence était pour moi un poids aussi accablant que celui dont le spectre de la nuit oppresse le malheureux dont un songe de terreur trouble le sommeil. Les battemens de mon cœur sont aussi rapides que les pas du fugitif, et une froide sueur inonde mon front... O Gunnar ! prête-moi ce flacon que nous a remis le moine en nous disant que trois gouttes de la

(1) Vampires de la mythologie scandinave. — Én.

40 HAROLD L’INDOMPTA