Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome II, trad Defauconpret, 1831.djvu/75

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R, 69.

Greta, pour y voir Matilde, en affectant, avec toute la dissimulation dont l’amour est capable, d’ètre distrait en l’apercevant, et de ne devoir sa rencontre qu’au hasard. Il ne pourra plus prendre l’excuse d’un livre, d’un pinceau ou d’un poème qu’il désirerait lui donner. Tantôt c’était une antique ballade qu’il venait lui apprendre, tantôt c’était un conte moderne. Pendant ces entrevues dont les momens hélas ! s’envolent si vite, Wilfrid gravait dans sa mémoire tous les mots qui échappaient à Matilde, son sourire affable, ou ses regards indifférens, pour en nourrir son âme dans la solitude. La guerre a interrompu pour lui cette occupation si chère… mais Wilfrid s’échappe encore pour aller épier de loin dans les bosquets la promenade accoutumée de Matilde, et son cœur palpite chaque fois que l’écho répète le bruit de ses pas. Vient-elle… il ne la voit que passer, mais cette vue suffira pour charmer les heures de la nuit… Elle ne vient pas… alors il attendra le moment où sa lampe brillera dans la tour. C’est encore quelque chose pour lui si son ombre s’arrète un instant sur le balcon. — Que sont ma vie et mon espérance ? disait-il. Hélas ! une ombre passagère.

XXX.

Ainsi s’épuisait sa vie, quoique la raison osât, mais en vain, combattre parfois l’amour dans son cœur, en lui faisant entrevoir un avenir plus cruel encore que ses chagrins présens ; mais il refusait bientôt d’écouter la voix sévère de la vérité. Calme et indifférent d’ailleurs, Wilfrid voyait sans émotion tous les changemens de la fortune ; mais il était l’enfant docile, imprudent et malheureux, de l’imagination. Tantôt la capricieuse déesse le plaçait dans son char brillant avec la belle de ses pensées ; tantôt c’était dans un asile solitaire qu’elle répandait ses charmes autour de lui : là, elle versait sur son front languissant une douce rosée, le couvrait de son voile magique, lui faisait savourer ces breuvages enivrans dont le goût n’est