Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome II, trad Defauconpret, 1831.djvu/77

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CHANT PREMIER. 71

vaine espérance, pour orner la ruine qui fut son ouvrage, semblable à l’oiseau nocturne des buissons de l’Inde 1, qui caresse de ses ailes la blessure qu’il a faite, et, charmant ainsi la douleur du malheureux, épuise tout son sang goutte à goutte. Wilfrid tourne les yeux vers la terrasse ; vain espoir ! le soleil ne se lève point encore ! la lune est toujours couronnée de sombres nuages ; et par intervalles l’ouragan siffle et menace. Il faut encore une heure avant que l’aurore se montre à l’orient. Pour se distraire pendant cette heure pénible, Wilfrid a recours à l’art magique du ménestrel.

XXXIII. A LA LUNE.

Salut aux doux rayons de ta tremblante image,

Chaste divinité de la voûte des cieux !

Mais déjà ton front radieux

S’est voilé d’un sombre nuage.

Un soir, il m’en souvient, j’accusais ces vapeurs

De cacher à mes yeux la beauté que j’adore :

Mais bientôt de son luth sonore

Sa main tira des accords enchanteurs ;

Dans la romance d’un trouvère

J’osai lui révéler à demi mon ardeur !

Et je bénis ta discrète lumière

Qui ne vint pas trahir ma craintive rougeur.

Hélas ! les crimes de la terre

Du ciel ont causé le courroux !

Chaste reine des airs, ton flambeau tutélaire,

D’un perfide ennemi sert à guider les coups…

Ah ! s’il est deux auans qui, tendres et fidèles,

Vont au fond du vallon parler de leurs amours,

En prenant à témoin tes clartés immortelles,

Daigne par tes reflets leur indiquer le cours

Du ruisseau dont l’onde limpide

Les conduira sous le berceau de fleurs,

Où la bergère moins timide

Crut devoir oublier ses premières rigueurs.

XXXIV.

Wilfrid entend du bruit, et tressaille. Quelle est cette

(1) Espèce de chauve-souris.