Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome II, trad Defauconpret, 1831.djvu/90

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81 ROKEBY.

une apparition. C’est la voix de Mortham ; c’est sa haute stature, son regard d’aigle, son geste martial, son accent d’autorité, son bras nerveux, ses cheveux branchis dans les combats ; c’est Mortham lui-même. L’esprit de Bertram est en proie à mille idées vagues qui le glacent de terreur. Malgré sa crédulité, il éprouve quelque peine à se persuader que ce soit le fantôme de Mortham qu’il a devant les yeux ; mais si c’est son chef lui-même, revenu à la vie, quel spectre échappé de la tombe est aussi terrible qu’un ami outragé ? Ce ton de supériorité, sous lequel Risingham avait fléchi pendant tant d’années, lorsque Mortham guidait sa troupe au combat, ce ton seul suffit pour le rendre docile ; il détourne les yeux, et s’éloigne d’un pas tardif, s’arrêtant souvent pour regarder encore, tel que le dogue que gronde un maître irrité ; mais soudain les pas lointains d’un escadron se font entendre, et Bertram disparaît dans les ombrages du vallon. Le guerrier protecteur a disparu lui-même, en se dirigeant dans la forêt du sud ; mais d’abord il a laissé ses ordres à Wilfrid : Ne dis à personne, lui a-t-il recommandé, ne dis à personne que Mortham n’est pas mort.

XXIII.

Ces mots retentissaient encore aux oreilles de Wilfrid, et lui inspiraient une espèce de terreur, lorsque les coursiers, annoncés un instant auparavant par l’écho, s’approchèrent, et le jeune homme reconnut une troupe de cavaliers qui, ayant son père à leur tête, arrivèrent devant le château.

— D’où vient ta pâleur, mon fils ? dit Oswald ; où est Bertram ? Pourquoi cette épée nue ? Wilfrid se croyait engagé par l’honneur à garder le secret de Mortham, il répondit d’une manière ambiguë : — Bertram a fui ; ce scélérat s’est avoué même l’assassin de son seigneur. Indigné, je l’ai défié, et notre combat durait encore, lorsque le bruit de votre approche a fait fuir le traître.

On eût pu démêler dans les regards de Wycliffe une