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C’est vraisemblablement cette étude, cet amour dominant de la campagne, qui ont depuis tourné sa philosophie vers les objets d’utilité publique ; ce sont eux qui l’ont conduit aux premiers principes de sa politique, et cette démonstration qu’il a rendue si frappante, que la culture est la source unique des richesses, et que ses progrès sont le seul fondement de la prospérité des empires, et du succès de tous les autres travaux humains. Si Quesnay eût été élevé dans une ville, peut-être n’aurions nous pas eu Quesnay.

À onze ans il n’avait point encore appris à lire ; il savait par conséquent très peu de mots, mais il savait déjà des choses : cette perte de temps n’avoir été qu’apparente. Semblable à ces coursiers dont on à ménagé la jeunesse, ses premiers pas furent fermes, sa marche rapide et soutenue. À peine la carrière des sciences lui fut-elle ouverte, qu’on la lui vit franchir, et laisser loin derrière lui tous ses concurrents.

Le premier livre que le hasard lui mit entre les mains sur la Nouvelle Maison rustique ; il le lut avec avidité ; les rapports des théories qu’il y trouvait avec la pratique qu’il voyait tous les jours intéressaient sa curiosité. L’homme n’apprend aisément que ce qu’il comprend ; et lorsque ses premières études sont appuyées par l’expérience des choses dont elles traitent, elles forment le jugement avec la mémoire ; c’est un avantage qui ne se perd jamais, et qui décide de la vie entière.

Quesnay eut bientôt occasion de l’éprouver. Avide de connaissances, impatient de fouiller dans les trésors de l’antiquité, il apprit presque sans maître le latin et le grec. La vigoureuse santé qu’il devait à son éducation rurale secondait son ardeur pour le travail. On l’a vu souvent dans un jour d’été partir de Méré au lever du soleil, venir à Paris pour acheter un livre, retourner en le lisant, et le soir avoir fait vingt lieues à pied, et dévoré l’Auteur qu’il voulait connaître. C’est ainsi que les Ouvrages de Platon, d’Aristote et de Cicéron lui devinrent familiers en peu de temps. À seize ans et demi il avait fini le cours d’étude qu’on appelle ordinairement humanités.

Ce fut alors que sa mère, femme d’une raison forte, et d’un caractère nerveux, lui donna Montagne à lire, en lui disant : « Tiens, voilà pour t’arracher l’arrière-faix de dessus la tête ». Cette anecdote intéressante que j’ai cru devoir rapporter, suffit pour