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SA CORRESPONDANCE

puis nommer le roi[1], qui est persuadé que, etc. Puisse-t-il comprendre que ce que vous avez dit est d’autant plus vrai que vous l’avez dit plus sincèrement, mais sans le viser. Du reste, pour ne pas paraître avoir changé d’opinion, avoir ainsi parlé à la légère, au hasard, je viens vous prier instamment d’une chose ; je voudrais que, pour votre considération, pour moi, pour l’utilité et la tranquillité publiques, vous n’hésitiez pas à faire, puisque présentement le sort en est jeté, connaitre votre manière de voir et ainsi la confirmer. En cela, vous ferez, croyez-moi, une œuvre digne d’éloges en même temps que vous vous concilierez le cœur de la plus reconnaissante des Reines[2]. Vous resserrerez étonnamment ainsi les liens qui nous unissent, quoique vous me soyez déjà bien cher. Si vous le voulez, personne ne pourra mieux traiter ce sujet que vous. Vous le ferez du reste, si vous voulez faire quelque chose pour moi ; or, je suis d’ores et déjà certain que, pour me faire plaisir, vous ne reculerez devant rien. Faites donc en sorte de ne pas tromper mon attente. Pour que vous puissiez agir avec plus de certitude et de facilité, pour que vous reconnaissiez d’où nous viennent les traits, je vous envoie un opuscule, le seul qui ait osé paraître en faveur du roi. Il en est de nombreux, d’innombrables même, qui ont pris fait et cause pour la Reine. Je ne vous en enverrai cependant qu’un seul, mais, si vous le désirez, j’en ai bien d’autres à votre disposition.


LIII
Agrippa à Eustache Chapuys.

Bruxelles, août 1531.

Depuis bien des années, j’ai fait l’expérience de votre amitié, illustre Eustache. J’en ai aujourd’hui une nouvelle preuve plus évidente encore, alors que, naviguant à pleines voiles sur la mer de l’Envie, alors que j’y suis ballotté par de terribles tempêtes, vous m’engagez à affronter des dangers plus terribles encore. Oui, vous m’appelez à une gloire immortelle, gloire à laquelle nul ne peut arriver qu’en s’exposant à de grands, à de nombreux dangers. Examinez à quel péril vous m’exposez en me plaçant en face des Universités les plus illustres de France et d’Italie, en demandant que je devienne l’adversaire des rois les plus puissants, que je

  1. Henri VIII.
  2. Catherine d’Aragon (1486-1536), reine d’Angleterre. Elle était fille de Ferdinand V et d’Isabelle de Castille, et épousa en 1501 Arthur, Prince de Galles ; ensuite, en 1514, Henri VIII, qui lui imposa le divorce après 18 ans de mariage pour s’unir à Anne de Boleyn.