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SA CORRESPONDANCE

nomme Tenacula, de sa queue fourchue. la quatrième se nomme Églantine mûre, parce que, comme le fruit de l’Églantier en maturité, elle est d’une couleur rutilante, ignée ; sa queue forme un grand nombre de rayons. Il en est une ensuite qui est consacrée à Vénus ; on l’appelle le Soldat : elle est la plus redoutable de toutes, son volume est considérable, sa queue très longue ; elle est étincelante et brillante. Une autre est attribuée à Mercure ; appelée Seigneur d’Astorie, elle est d’une couleur de citron et radiée, et son corps forme plusieurs rayons dirigés en tous sens, comme une figure ornée de barbe (on la nomme aussi pour cela le Barbu) ; sa queue n’est ni très étendue ni très claire. Si j’ai bonne mémoire, après avoir contemplé hier cette comète, je crois qu’elle appartient au groupe de Saturne ou de Mercure, car elle m’a paru pâle et d’une couleur livide, d’un éclat affaibli, à peu près comme l’étoile de Saturne ; sa queue n’est ni longue, ni bien brillante, mais, comme elle m’a semblé un peu frisée, qu’elle passait rapidement comme si elle suivait le mouvement du ciel, je la rangerai plutôt parmi celles de Mercure. Je ne pourrai cependant rien affirmer de certain sur sa nature jusqu’à ce que je l’aie contemplée plus attentivement et que je l’aie examinée avec plus de réflexion. Quant à la position où je l’ai surprise, je dirai que son corps, hier soir, était suspendu vers la 3e étoile de la face du Lion, que sa queue s’étendait en ligne droite entre les deux dernières étoiles de la Grande Ourse vers l’étoile polaire, c’est-à-dire de l’Occident vers le Septentrion. Elle se mouvait d’un mouvement irrégulier, vibratoire pour ainsi dire, comme pour descendre et se coucher vers la droite.

Quant à ce qu’elle peut présager, il est nécessaire de le déduire de bien des considérations d’abord de la nature de la planète qu’elle imite, de la nature du signe sous lequel elle apparaît et se promène ; en troisième lieu de la nature de l’astre ou de l’étoile Béhème de qui elle dépend ; il faut ensuite recenser les diverses naissances ou intronisations des Princes, les changements de règne, pour savoir si l’horoscope se rapporte à la nativité, à l’intronisation ou au changement de l’un d’eux ; voir si, par hasard, il concorde avec le lieu du départ de l’astre, sa direction, ou le lieu hilech de quelque comète. S’il y a évidemment quelque chose de tel, on pourra conjecturer, pour ce prince, qu’il est menacé dans sa vie par un grand péril, ou dans ses honneurs, son trône, sa fortune. Ce qui s’applique aux Princes peut s’appliquer aussi aux commencements comme aux révolutions des royaumes. On peut en tirer aussi leurs horoscopes.

Voilà, cher et Révérend Père, ce que j’ai pu tirer de ma mémoire pour le confier tel quel à mon obligeante, mais faible plume. Vous m’aviez prié de vous répondre ce matin même ; sans cela, j’aurais approfondi davantage la question à examiner ; je le ferai encore si tel est votre bon plaisir, si j’en ai le temps et les livres nécessaires pour tout ce travail. Ce genre de divination exige, en effet, beaucoup d’exactitude. Celui qui n’a pas mesuré avec des instruments justes la déclinaison, la largeur, l’ascension droite ou oblique, la distance du soleil, du baromètre, son mouvement depuis le commencement de son apparition jusqu’à la fin, la disposition et les évolutions de sa queue, ne peut rien pronostiquer de certain. Pourtant je ne craindrai pas de dire que, de même que le corps de la comète