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L’EMPLOI DE LA VIE.


À la base se trouve pour l’homme cette question : à quoi employer ses activités, que faire de son temps, de ses heures, voire de ses loisirs, et au total de sa vie ?

Dans une vie de 70 ans, on a compté 25 ans de sommeil, 11 ans 8 mois de travail, 5 ans 10 mois d’alimentation, 5 ans 10 mois de locomotion. La toilette avait absorbé 2 ans, la paresse 1 an 5 1/2 mois, le bavardage, la réflexion même temps.

La vie est une continuité. Et elle peut se concevoir comme une évolution, plus exactement une formation continue, un perfectionnement dont la connaissance, l’adresse, l’action, l’harmonisation des sentiments sont la norme et le but.

La vie peut être création, rénovation, exaltation, dégradation.

Toute vie est une édification, une architecture qui s’édifie constamment d’après un type imité ou un déterminisme des faits eux-mêmes, ou quelque dessein intérieur.

Naître, travailler, aimer, haïr, grandir et disparaître, disait Henri Conscience.

Et Guizot septuagénaire s’écriait : « J’avance dans la vie en travaillant. J’arriverai à la fin sans avoir fait le quart de ce que je voudrais faire encore. La vie est un vase trop petit ; il déborde longtemps, puis il se brise. »

La vie, sa signification, son emploi, sont diversement appréciés. « La vie humaine, dit le chrétien, est une grande chose. Je n’ai pas le droit de m’endormir devant elle. Le chemin mène droit vers un but à atteindre en un temps mesuré. La statue que je dois sculpter est-elle ce qu’attend l’artiste éternel ? Statue d’enfant, d’adolescent, d’homme mûr, de vieillard !… détail infime. Ce qu’il faut, c’est qu’elle soit belle et que Dieu se reconnaisse en, elle. »

« La vie, dit le pessimiste ?… Farce sinistre, parmi ces personnages tristement comiques, dans ce décor sans joie qu’est la vie, notre vie, la vie quotidienne et criminelle. »