Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/175

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nale. Chaque nation vivait dans un isolement presque absolu et à quelque degré de civilisation qu’elle fût parvenue elle n’arrivait à dépasser les autres peuples que très lentement, si elle les dépassait jamais. De cette manière chaque nationalité avait ses idées propres et son esprit particulier d’opposition aux autres nations, ce qui retardait beaucoup le progrès du monde. Mais au cours du XVIIIe siècle on vit naître une nouvelle manière de concevoir les choses. Les liens des nationalités perdirent la force qu’ils possédaient à l’origine et nombre d’individus commencèrent à laisser de côté les marques et caractères auxquels ils devaient d’être considérés comme citoyens de tel pays déterminé. Ils se tenaient eux-mêmes comme citoyens du monde et cherchaient à choisir parmi les caractères propres de chaque nation ce qui leur paraissait le meilleur. L’influence sur la civilisation fut énorme : les nations ainsi apprirent à se connaître et chacune d’elles put acquérir quelques-unes des bonnes qualités des autres peuples. Cependant, bientôt les exagérations de ce cosmopolitisme tendant à l’unité et l’uniformité furent combattues et on revint à une période de nationalisme : des penseurs d’un type nouveau s’efforcèrent d’adapter peu à peu la civilisation à laquelle ils appartenaient aux conditions du milieu qui leur était propre, auquel un type d’homme est spécialement adapté[1]. De nos jours les faits sont à nouveau venus donner un démenti à ces théories trop exclusives. Comme tendent à le prouver tous ceux rapportés dans cet ouvrage, ils démontrent l’existence d’une vie internationale à côté ou au-dessus de la vie nationale et posent le problème de son harmonisation nécessaire avec la vie nationale[2].

2. La patrie et le patriotisme. — Toutes les idées, tous les sentiments relatifs à la nationalité sont venus se résumer en une idée : la patrie et le patriotisme. La patrie est l’ensemble des sentiments, des intérêts, des volontés qui rattachent les hommes entre eux. « La patrie appartient à tous, car elle constitue le patrimoine commun. Elle est notre sol et notre ciel, notre pensée et notre sentiment. Elle résume toutes les aspirations de notre être. En elle nous nous retrouvons complètement nous-même, par elle nous comprenons ce que les mots sont impuissants à exprimer. La patrie est faite à notre image ; c’est le miroir merveilleux où se reflète fidèlement notre âme. C’est le sang de tous les nôtres depuis des siècles et des siècles qui la fit ce qu’elle est. Chaque page de son histoire, douloureuse ou pleine de gloire, a affiné le caractère de notre race, raffermi notre énergie, formé notre esprit, développé en nous le don de concevoir et le don de réaliser, c’est-à-dire la puissance de créer a la seule chose qui atteste la noblesse de l’homme. Vouloir la gran-

  1. Patten, Protectionnisme.
  2. Le problème des nationalités est examiné au N° 24.