Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/209

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recettes de 9.250 millions. L’Angleterre avait placé au dehors (placements publics et privés à fin 1914) environ 4 milliards de livres, dont environ la moitié dans ses propres possessions d’outre-mer. Elle en retirait environ 200 millions de livres, soit un dixième de ses revenus nationaux. — On peut estimer à un milliard de livres les placements allemands à l’étranger. Ce chiffre probablement au-dessus de la vérité a tendance à diminuer à raison de la demande de capitaux faite à l’intérieur de l’empire en vue d’œuvres industrielles et publiques. — La proportion entre les placements étrangers des deux pays est donc de moins de 4 à 1.

De 1909 à 1914 les revenus anglais sont montés de 151 millions de livres a 188 millions. Il n’y a pas eu d’impôts nouveaux, tandis que l’Allemagne avait recours à un lourd emprunt. Le marché de Londres influence tous les marchés financiers de la terre, ceux du continent, celui de New-York, celui de Pékin. L’Angleterre depuis des générations et maintenant encore, est le grand bailleur de fonds des autres nations et sa finance prélève son péage sur toutes les entreprises créées avec son capital. Peut-être a-t-elle envoyé au dehors trop d’argent, trop d’hommes, et s’est-elle ainsi saignée.

5. Certes, dans d’autres domaines que le domaine économique on a senti aussi un affaiblissement de l’Angleterre. C’est ainsi que le système national d’éducation était cahotique, inefficace, complètement arriéré (Balfour). De vastes questions sociales n’avaient pas été examinées. Le problème irlandais demeurait en suspens. Hésitant devant les changements radicaux, l’Angleterre, un des pays les plus conservateurs de l’Europe, se berçait dans sa politique traditionnelle des compromis. La recherche du plaisir et l’amour du sport, le luxe des riches et l’influence des classes moyennes sapaient petit à petit le pouvoir créateur de la nation.

6. Mais depuis dix ans une nouvelle Angleterre est en voie de formation. Depuis 1905, date de son avènement, le gouvernement libéral a fait aboutir d’importantes réformes sociales et économiques, il a à peu près résolu la question irlandaise, il s’est préparé à reviser sa Constitution. Le pays a supporté avec calme et facilité les nombreuses crises des dernières années, occasionnées par un manque de proportion entre la part revenant aux travailleurs dans la fortune croissante du pays et l’augmentation du prix de la vie. D’autre part, les Anglais se sentant plus résistants ont admis ce point de vue qu’il n’était pas nécessaire de détruire artificiellement le commerce allemand. À trois reprises différentes (janvier 1906, janvier 1910 et décembre 1910) ils ont, aux élections générales, refusé d’accepter le programme du « Tarif Reform ». D’ailleurs M. Chamberlain s’était déclaré partisan d’un accord avec l’Allemagne, et à la veille de la guerre les Anglais paraissaient admettre la nécessité d’un régime de libre échange. L’Angleterre