Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/341

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

politique : celle qui sépare entièrement l’une de l’autre (Machiavel : le Prince) ; celle qui absorbe la politique dans la morale, en donnant à l’État la fonction de réaliser la vertu (Platon : la République ; les lois) ; celle qui, tout en proclamant la politique autonome et chargée de poursuivre ses fins propres, subordonne son action au respect des lois morales.

3. Au moyen âge existait un idéal politique fondé sur l’autorité religieuse. Cet idéal tomba et dès le XVIe siècle était proclamé la souveraineté absolue des États. Machiavel, dans son ouvrage le Prince, se fait le théoricien de l’idée que l’État n’est pas justifiable de la conscience morale et ne doit reconnaître d’autres lois que son intérêt. Son œuvre était l’expression d’un temps et d’un milieu profondément corrompus. Au XVIIe siècle les Jésuites proclament une théorie d’après laquelle la valeur morale des actes n’est pas relative mais dépend des intentions des agents. C’était l’anarchie internationale conduisant à l’absolutisme d’une part, au machiavélisme d’autre part. Il n’y a entre les États ni droits, ni devoirs, ni obligations ; les règles internationales ne sont que des convenances d’intérêts, elles changent avec les intérêts ; un traité n’est qu’un procès-verbal constatant un état actuel des faits.

Au XIXe siècle l’absolutisme a été chassé de la politique intérieure par la révolte des peuples. Il s’est retranché dans la politique étrangère et les peuples l’y laissent vivre par ignorance, parce qu’ils n’en voient pas bien le danger. Cette guerre le rend visible. En général les États suppléent au défaut de la morale internationale par des habitudes de morale générale, ils respectent la paix et les traités par égard pour l’opinion publique, ou par un sentiment d’humanité qui les fait reculer devant l’horreur de la guerre. Mais la Prusse n’a pas de ces formules et on sait maintenant comment elle exploite sa souveraineté.

4. Y a-t-il une morale ou deux morales ? L’État est-il soumis à la morale des honnêtes gens ou la morale des États entre eux est-elle de nature apparente ? Et, dans l’affirmative, qu’elles sont ses lois, s’il en est d’autres que celles de son intérêt[1] ? La morale a pour but d’assurer le bonheur de l’humanité en lui apprenant à régler ses actions dans le sens de la plus grande utilité pour tous. Et si la morale a pour fondement la nécessité pratique d’une règle entre êtres de même espèce qui coexistent et sont capables d’intelligence et de vouloir, ce fondement est aussi celui de la morale entre nations. La politique n’est qu’une partie et une application de la morale (Novicow).

L’honnêteté, la bonne foi, en un mot la morale humaine doit être le

  1. Jean Pelissier et Émile Arnaud, « La morale internationale, son origine, ses progrès », (Institut international de la Paix, Monaco, 1912). – Olphe Gaillard, « La morale des nations contemporaines ». – P. Janet, « Histoire de la science politique dans ses rapports avec la morale ».