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norvégien s’achetait à 102. Les petits États ont démontré la possibilité de croître en dehors de la possession de grands territoires. La Belgique nourrit avec de pauvres terres améliorées par le travail une population de 240 habitants par kilomètre carré. Elle a exporté ses capitaux et créé des entreprises dans le monde entier sans l’aide d’une diplomatie armée. On peut mettre sérieusement en doute que les grands États centralisés soient des créations d’un rendement sociologique vraiment efficace. Le contrôle y est presque impossible. Aussi les petits États sont-ils des formes de l’avenir, des « précurseurs » plutôt que des « anachronismes[1] ».

C. Transformation nécessaire. — Sans doute les petits États ne présentent pas que des avantages ; comme toute institution humaine ils ont les défauts de leurs qualités. Les créations y sont souvent mesquines ; faute de moyens, les idées manquent d’envolée, ne pouvant trouver pour se développer un vaste théâtre d’action ; les désastres y étant plus concentrés, ils affectent davantage tout le pays. Mais il est possible d’obvier à la plupart de ces inconvénients en faisant entrer les petits États dans des associations respectant leur individualité, et spécialement dans une union internationale des États dont ils pourraient bénéficier des services généraux[2]. Les petits États ne peuvent subsister et se développer que sous l’égide du droit, de la liberté, de la loyauté, et au sein d’une organisation qui les leur garantisse. Il faut en outre qu’ils soient créés rationnellement, non seulement quant aux nationalités qui les composent, mais aussi quant à la délimitation de leur territoire. Que deviendrait un État indépendant dépourvu de frontières naturelles, sans débouché, sans variétés de ressources. Il risquerait de sombrer vite dans le néant. Ces conditions ne doivent jamais être oubliées dans les projets de création de nouveaux États.

4. Neutralité. – Les États neutres ne sont pas souverains, mais protégés par les États souverains qui garantissent leur neutralité. Ils sont nés du fait que des rivaux ne veulent pas consentir à ce qu’ils appartiennent à l’un ou à l’autre et qu’ils sont trop faibles pour les conquérir seuls. La neutralité dans sa forme actuelle, c’est-à-dire limitée à quelques états et imposée à eux n’est donc pas un idéal en soi. Elle ne l’a jamais été. Née de circonstances données elle ne se justifie qu’autant que ces circonstances subsistent. Fait à retenir : depuis qu’elle a été introduite dans la politique et le droit, en 1815, la conception même de la neutralité ne s’est guère développée. C’est

  1. H.-A.-F. Fisher, La valeur des petits États, London, Eyre et Spotteswoode. – F. Momsen, Article sur les petites nations, dans « Tidens ».
  2. Récemment un journal suisse imprimait ces paroles à méditer : « C’est une capitulation, celle qui voudrait réduire nos ambitions aux limites de notre pays. Nous n’aimons pas la Suisse uniquement pour l’amour de la Suisse, mais aussi pour l’amour de l’Humanité ! Une nation qui n’apporte rien à l’Humanité n’est pas digne de vivre. »