Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/511

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En réalité, telle qu’elle a fini par s’orienter, elle est engagée entre deux groupes de principes. Mais dominant le tout, « au-dessus de la mêlée » s’impose cette question : le monde, ses territoires, ses richesses, ses populations, ses possibilités infinies appartiendra-t-il à quelques-uns qui le domineront, ou écherra-t-il en partage à tous sous l’égide d’une organisation qui fera un sort à chacun ? L’antagonisme véritable est donc entre les anciennes structures d’un nationalisme qui isole les nations, les oppose dans des luttes irréductibles, et la structure nouvelle de l’internationalisme qui cherche à les rapprocher, à les faire coexister pacifiquement, et coopérer dans une organisation d’ensemble.

3. Nous avons démontré la réalité de la vie internationale et de la solidarité des peuples dans tous hs domaines ; nous en avons dégagé les facteurs et cherché à mesurer leur importance relative. L’internationalisme ne repose ni sur de vagues sentiments de fraternité universelle, ni sur la vision d’une humanité édénique. Il a son fondement dans l’intérêt, et dans la mise en œuvre des ressources et des facultés. Les résultats constituent un patrimoine commun a toutes les nations, fait des apports de chacune d’elles mais amalgamées si intimement que ce serait folie de vouloir faire des reprises ou des sorties d’indivision pour mieux se cantonner ensuite dans l’isolement. À la vérité, les fruits de l’organisation internationale sont devenus des biens impersonnels. La terre, les forces de la nature, l’intelligence, l’œuvre accumulée des générations antérieures appartiennent à tous, et il n’est du pouvoir d’aucun belligérant, d’aucun triomphateur de les monopoliser. Il est dès lors sage d’admettre l’internationalité comme un fait social fondamental, un postulat, et de composer avec lui, de chercher à l’organiser et à en tirer le maximum d’avantages.

4. La guerre a pu détruire l’unité vers laquelle paraissait s’acheminer le monde, mais il faut bien distinguer dans son œuvre. Si elle a porté un coup au « mondialisme », elle a considérablement développé l’« internationalisme » en rendant plus étroites qu’elles ne l’ont jamais été les relations entre membres de certains groupes d’États. D’autre part ses effets ne peuvent être que temporaires : nous avons démontré l’impossibilité, sous peine de nous diminuer ou de nous amoindrir, de faire retour en arrière dans l’histoire, d’encercler strictement toutes les activités dans la sphère plus ou moins large des patries respectives.

5. La situation actuelle du monde peut être résumée ainsi : Un milliard et demi d’habitants répartis sur toute la surface d’une terre désormais connue, explorée, mise en valeur et dotée en tous sens de moyens de communications. Les peuples, de degré différent de culture, de civilisation, mais tendant tous vers un minimum qui unifie à travers les globes les conditions d’existence. Les hommes en relation