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DISTRIBUTION DU LIVRE

i) L’envoi à vue pour quelques jours à domicile de publications d’un ordre indiqué, facilite les achats des personnes qui n’ont pas le loisir de passer chez le libraire.

j) La Bücherzettel, en usage en Allemagne, est une espèce de carte postale sur laquelle on écrit d’un côté l’adresse d’un éditeur ou d’un simple libraire d’assortiment, et de l’autre le titre du livre désiré, avec sa propre adresse. On affranchit et l’on jette à la poste. Trois ou quatre jours après, le facteur apporte l’ouvrage, en touche le prix qui, moyennant un droit très minime, est reporté chez l’expéditeur.

253.26 Prix et commission.

Le prix des livres est de tous les taux. Depuis la guerre il a subi des modifications constantes.

a) Un exemplaire du Décret et des Décrétales, bien écrits et bien corrigés sans aucun luxe de miniature ou d’enluminure coûtait une somme qui représentait environ 1200 fr. de notre monnaie. Au XIIIe siècle, les jeunes canonistes commencèrent à trouver en location ces manuscrits chez les stationarii. En 1303 les livres scolaires ne coûtaient que 7 deniers à 10 sous. En 1463 Jean Fust vendait sa fameuse Bible de 1464 à 40 couronnes (environ 375) et au-dessus. Un in-folio valait au XIIIe siècle 400 à 500 francs de notre monnaie. À la fin du XIVe siècle une copie du Roman de la Rose se vendait à Paris 833 fr.

Après l’invention de l’imprimerie, le prix d’un même ouvrage tomba de 500 fr. à 3 fr.

b) Stanley Jast évaluait en 1904 à 5 s. par ouvrage le prix moyen des livres édités en Angleterre.[1]

Pour 29 revues scientifiques allemandes dont M. Roquette a donné la liste, avant la guerre le prix de l’abonnement annuel s’est élevé de 438 M. en 1870 à 1,187 M. en 1900.

De gros romans populaires, 350 pages, étaient vendus avant la guerre a 65 centimes. Mérouvel, etc.

Avant la guerre le prix marqué, le fameux et alors classique 3 fr. 50 prix marqué, était vendu 3 fr., 2 fr. 75 et quelquefois 2 fr. 65.

c) En novembre 1917, il pouvait être dit au Comité du livre que le prix du papier a augmenté de 100 à 400 %, le prix ces encres dans la même proportion, le carton pour cartonnage et reliure de 700 %.

La hausse du prix des livres (fr. 25 ce qu’il y a 20 ans eût coûté fr. 2.75) donne un nouveau cours ou prêt des livres et aux cabinets de lecture.

« Aujourd’hui on estime que le volume in-16 Jésus ou in-8o Couronne a 6 fr. français, lorsqu’il n’est pas un solde déguisé, constitue un véritable dumping, une concurrence déloyale, une surenchère démagogique, seulement possible par des combinaisons équivoques sur les droits d’auteurs, la qualité matérielle du volume, etc. »

(Sylvain Bonmariage.)

Le livre de bibliothèque, aux États-Unis, au Canada, se vend 2.5 dollars, en Allemagne et en Angleterre environ 35 fr. français. En France, la proposition a été faite que le prix du livre de bibliothèque soit fixé à un minimum de 15 fr. par volume de 300 pages, par un accord intervenu entre le Cercle de la Librairie et la Société des Gens de lettres de France.

d) Des efforts sont faits maintenant pour maintenir la vente aux prix marqués. Avilir le prix du livre « c’est rendre précaire et le bénéfice raisonnable du libraire et celui de l’éditeur. C’est risquer d’entamer le prestige littéraire qui a des droits et des devoirs. Le livre, en effet, est un objet unique et il est aussi raisonnable d’admettre pour lui la fixation d’un prix qu’on l’admet pour une spécialité pharmaceutique ou un parfum ».

Henry-Jacques.

Le Congrès international des Éditeurs a émis le vœu que les Associations nationales de Libraires et Éditeurs fassent entre elles des accords bilatéraux fixant officiellement le prix de vente de leurs livres dans chaque pays, accords devant obligatoirement être déposés au Bureau permanent du Congrès qui sera chargé de provoquer lors d’une prochaine session le dépôt d’un projet de Convention internationale. En cas d’impossibilité d’accord, le prix de vente devra être au minimum le prix fort de vente du marché intérieur.

e) La commission du libraire varie. Elle va de 20 à 50 %. Elle a pris autrefois la forme 3 exemplaires livrés par 2 achetés au prix fort.

f) Les morts vont vite, les livres aussi. L’un chasse l’autre et les livres du jour relégués aux étages supérieurs des vitrines et aux arrière-boutiques, celui de la veille en attendant qu’il aille rejoindre dans les soldes, c’est-à-dire qu’ils se retrouvent aux étalages et sur les catalogues avec un rabais de 60 ou 75 %.

g) On a beaucoup lu pendant la guerre. Dans l’après-guerre immédiate et pendant quelques années, l’industrie du livre atteignit le maximum de sa prospérité. Puis vint la crise. Il faudrait pouvoir déterminer dans quelles mesures la diminution graduelle de vente doit être imputée au manque d’argent et combien à la diminution d’intérêt pour le livre.

Les crises économiques atteignent aussi le livre. Les causes générales influent ici. Parmi celles-ci on a énuméré le cinéma, la T. S. F., le phonographe, l’automobile. Il y a aussi le peu de valeur de certains livres d’éditeurs qui éditent n’importe comment, n’importe quoi de n’importe qui.

h) Le livre doit devenir bon marché à 6.50 ou 3 sous. Le livre devenant une sorte de journal plié et cousu, pouvant se conserver et faire série. Tel est l’avenir du livre démocratique moderne. Le paysan et l’ouvrier savent lire maintenant : mais il faut qu’ils aient de quoi lire. Ils veulent autre chose que des almanachs.

Haustaux.
  1. The Library, 1904. p. 146.